A St-Jacques-de-la-Lande de 1983 à 1989 tu as été adjoint à l’urbanisme et ensuite Maire de cette commune de 1989 à 2008, le moins que l’on puisse dire c’est que les pelleteuses ont donné de la voix pendant ces 25 années
“Cela a été une aventure extraordinaire, j’ai eu de la chance en tant que Maire d’avoir un directeur de l’urbanisme, Yannick Filly, avec lequel j’étais en parfaite harmonie et avec toute notre équipe nous avons réussi à mobiliser énormément de moyens techniques, financiers et surtout intellectuels.”
Et pourtant pour un quidam comme moi, quand je passe en voiture sur la route de Redon, j’ai le sentiment que la montagne a accouché d’une souris, certes ce n’est plus le champ de patates qu’il y avait dans les années 70, mais franchement je ne m’extasie pas au volant
“la vue que l’on a en passant en voiture est très réductrice. Cela a été une grande contrainte pour nous de gérer cette pénétrante à 4 voies. St-Jacques de la lande est une commune très particulière qui s’étend sur une très grande superficie, Il y a aussi la rocade, qui coupe perpendiculairement la commune en deux, les vastes terrains et friches militaires qui heureusement ont pour partie disparus, la Vilaine et tous les étangs annexes. Cela fait beaucoup de paramètres. Notre souci a toujours été de recoudre cette commune pour lui donner une unité. Et si tu désires te documenter un tant soit peu je pourrais t’énumérer tous les prix d’urbanisme et d’architecture que nous avons obtenus.”
Bon d’accord, je ralentirais pour mieux observer
“Nous avons essuyé beaucoup de critiques dès le début de l’aménagement, la première d’entre elles concernait la création de logements collectifs en dehors de Rennes. Si on remonte dans le temps, l’habitude des communes était de segmenter les différentes zones, d’un coté des zones industrielles ,de l’autre des lotissements de maisons individuelles et enfin des centres commerciaux. Ici nous avons dès le départ mixer les constructions pour un meilleur brassage social. Par exemple nous avons eu la chance avec la société Champion de l’époque qu’ils comprennent notre projet architectural de fondre dans le paysage urbain et végétal les parkings du centre commercial, alors que souvent on les met en exergue telle une signalétique visible à la ronde. Pareil pour l’habitât, nous avons pu compter sur le promoteur Claude Giboire qui le premier nous a suivi. C’est un homme qui a toujours eu une démarche architecturale très forte, un attrait que son fils Michel a lui aussi.”
Dans tes propos on sent une grande admiration pour l’architecture, quand tu étais petit tu passais ton temps à faire des châteaux de sable
“A 8 ans je dessinais des plans de villes. J’ai une sensibilité architecturale, mais ce qui me plait en particulier c’est l’urbanisme à grande échelle. Aujourd’hui tout le monde parle de l’économie de l’espace, de la densification des villes, de la préservation des terres agricoles, on a été un peu les pionniers dans ce domaine avec des opérations qui mixent le collectifs et l’individuels sur des petits terrains dans des ilots totalement piétonniers.”
oui c’est vrai j’avoue que j’apprécie beaucoup votre gestion des eaux de ruissellement
“Et pourtant là aussi on a été beaucoup critiqué. Jusqu‘alors on enterrait les eaux de pluie dans des canalisations, nous on a créé des bassins de décantation avec de la végétation qui filtre et épure naturellement l’eau.”
On n’a pas parlé des équipements publics et pourtant je sais que c’est ton dada
“Effectivement pour articuler cette vision urbanistique globale nous avons dès le départ prévu de construire une médiathèque avec l’architecte-urbaniste Jean-Pierre Pranlas-Descour, qui a été nominé au prix européen de l’urbanisme en 2006. Les équipements publiques, culturels et sportifs sont le lien qui unit les habitants des différents quartiers. La médiathèque est une grande réussite récompensée de prix nationaux.”
Pour un gars qui préfère l’urbanisme à l’architecture il y a quand même un grand nombre d’architectes qui sont venus à St-Jacques-de-la Lande
“Oui et on me l’a suffisamment reproché. Je crois que l’aménagement de St-Jacques a été un formidable laboratoire. Pour étayer cet élan architectural nous avons créé l’APU, qui est l’acronyme de Atelier Publique d’Urbanisme. Le piège aurait été que chacun travaille dans son coin, au contraire nous avons mutualisé les compétences pour que tous exposent sa vision et son projet pour que la réflexion et la décision soient globales.”
Perso, comme un quidam moyen qui n’a pas forcément les moyens culturels d’appréhender ces réflexions architecturales, j’ai besoin de me raccrocher à des totems architecturaux qui ont un impact visuel immédiat, pourquoi Gehry n’est pas venu à St-Jacques. »
“Tu cites Gehry mais un architecte tout aussi talentueux, lauréat du Prix Pritzker en 1992 a construit un totem architectural qui draine ici des visiteurs du monde entier, Alvaro Siza a dessiné l’église de la résurrection ‘de l’Anastasie) à St-Jacques, édifiée comme un symbole fort à côté d’une ancienne chapelle détruite pendant la guerre, je salue d’ailleurs la décision audacieuse de l’Archevêché.”
J’avoue que je n’étais jamais allé la voir, comme certainement des milliers de rennais ce qui absout en partie ma faute
“ On n’a sans doute pas suffisamment communiqué, mais c’est aussi dans la culture des gens d’ici de privilégier la fonction à la forme.”
Rendons à César (Delaveau) ses lauriers, tu as fini ta carrière politique par le chef d’œuvre du Couvent des Jacobins.
“J’ai repris le flambeau initié par Edmond Hervé. Le Couvent est une grande réussite technique et architecturale portée par Jean Guervilly un grand architecte qui a toujours eu la sensibilité de s’effacer derrière la dimension historique du lieu.”
On arrive bientôt à la fin du repas, avant de payer l’addition tu aimerais que je te pose une autre question
« On dirait une interview à la Raphaël Mezrahi. La Courrouze par exemple, c’est un gros morceau, je suis fier d’en avoir porté le projet et d’avoir collaboré avec un immense architecte-urbaniste malheureusement décédé Bernardo Secchi. Je pourrais aussi citer beaucoup d’autres architectes et urbanistes de talent avec lesquels j’ai adoré travailler. Vincen Cornu qui est aujourd’hui architecte conseil de la Ville de Rennes, l’agence Devillers et Associés, Jean et Aline Harari, tant d’autres que je voudrais citer mais comme ton dictaphone donne des signes de faiblesse, pense à mettre des piles neuves la prochaine fois ! »