Jean Charles, on s’est connus à la fin des années 80, on se voyait dans les laboratoires de développement où tu faisais traiter tes films 120 en E6 et déjà tu avais cette nonchalance et cette douceur que tu as encore aujourd’hui, je me suis toujours demandé comment tu avais fait pour avoir ce boulot de rêve, photographe à l’école d’archi de Rennes

C’est une époque que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître ni même s’imaginer, si je fouille dans ma mémoire je dirai que cela remonte à encore un peu plus loin dans les années 60, je suis rentré chez l’imprimeur Oberthur en poussant la porte de l’atelier, le directeur m’a demandé ce que je savais faire, j’ai répondu rien mais j’aimerai bien jouer au foot, il se trouve qu’il était le président d’un club amateur et c’est ainsi que j’ai commencé ma carrière d’ouvrier et de footballeur. J’y suis resté plusieurs années et j’ai rencontré Alain Dugast qui est devenu par la suite photographe à la Maison de la Culture. Mon jeune frère était passionné de photo et il m’a communiqué sa passion et petit à petit je me suis initié au laboratoire et à la prise de vues et Alain m’a proposé de l’accompagner à des spectacles pour faire des photos et j’ai rencontré le directeur adjoint de l’école d’archi qui faisait lui aussi des photos de spectacles déjà du temps de la CDO, un jour il m’a proposé de venir jouer au foot dans l’équipe corpo de l’école d’archi et c’est ainsi que j’ai mis un pied puis deux dans l’institution.

T’es donc rentré comme laborantin

Oui si on veut, faut dire que la première fois que j’ai voulu développer un film je n’avais pas éteint la lumière du labo parce que personne ne me l’avait jamais dit, autant dire qu’il n’y avait rien sur la pelloche, j’ai appris au fur et à mesure en échangeant avec des photographes et aussi en m’inscrivant dans un club photo, c’est sûr que les temps ont bien changés, Lol.

Au fil du temps tu as rencontré plusieurs générations de jeunes étudiants qui pour la plupart sont devenus de grands architectes, comme Odile Decq

Dès qu’elle est arrivée à l’école d’archi on s’est très bien entendus, elle était passionnée par la photo et on a passé des journées entières dans le laboratoire à faire des tirages de ses boulots d’études et c’est avec elle j’ai commencé à faire des portraits, je me souviens qu’un jour elle m’avait donné rendez-vous à 11h30 dans l’enfer du thabor pour faire un shooting, elle était en retard et au moment ou je partais une jeune fille blonde m’interpelle et me dit “hé Jean-Charles oû tu vas ?”, je me retourne je ne l’avais pas reconnu, c’est ce portrait que j’ai toujours.

D’ailleurs cette décoloration d’Odile Decq est le point de départ d’une longue série de portraits d’architectes qui sont venus faire des conférences à l’école

Oui j’avais proposé au directeur de faire des portraits des conférenciers mais au départ ils n’étaient pas réceptifs puis un jour l’un d’entre eux me demande quand même de voir des épreuves et je lui dis que j’ai fait le portrait d’Odile, il avait la photo sous les yeux et ne voulait pas croire que c’était elle, l’information a vite circulé dans le microcosme parisien et c’est ainsi que tous les architectes ont accepté d’être pris en photo à condition de voir cette fameuse photo, bon plus tard j’ai photographié Odile mais dans un look plus proche de la réalité. J’espère qu’elle ne sera pas fâchée de tout cela.

Tu pourras lui dire que c’est moi qui t’a forcé la main, Lol