En 2012 vous avez créé aître, une agence de voyage très originale parce qu’elle est principalement dédiée à l’art et à l’architecture, vous êtes d’ailleurs la seule agence qui propose ces articulations en France et peut-être aussi en Europe, et pourtant dans votre CV on ne voit nulle trace d’études d’architecture

Effectivement après mon Bac scientifiques je suis rentré à L’EESAB, l’école européenne supérieure d’art de Bretagne. A l’époque le directeur Jacques Sauvageot désirait ouvrir l’école à des profils d’étudiants variés, je suis arrivé dans cette école sur les conseils d’un professeur d’art plastique au Lycée et je dois dire que dès le premier jour de la rentrée j’ai eu un véritable coup de foudre pour cet enseignement très didactique et très indépendant qui nécessite de la part des étudiants énormément d’esprit d’initiative personnelle. Une fois mon diplôme obtenu j’ai travaillé 6 mois dans une galerie parisienne, la galerie Papillon puis je suis allé à Nevers comme commissaire d’expositions ainsi qu’à Mayenne. Cela a été une expérience difficile sur le plan institutionnel et j’ai compris rapidement que l’art était trop problématique pour des politiques d’animations culturelles. C’est ainsi que j’ai décidé avec toutes mes économies de créer une agence de voyage dédiée à l’art, l’architecture, l’urbanisme, le paysage, aux formes critiques urbaines et rurales

Mais justement comment avez-vous construit vos compétences en architecture

Lors de mes études aux Beaux-Arts j’ai étudié la peinture, l’illusion de la profondeur dans la surface plane et notamment à partir des artistes de la Renaissance Italienne qui plaçaient l’architecture peinte dans leurs tableaux, comme Piero della Francesca au XVème jusqu’à Arduino Cantafora au XXème. Leur influence est considérable sur nos imaginaires; sur les formes de nos places et de nos architectures. De nos jours, à Rennes par exemple, la forme et la juxtaposition de la place de la Mairie et de la place du Parlement sont issues de leurs inventions formelles d’un type de place, de monuments ou d’architectures. C’est cette peinture qui à inspiré la ville. On ne peut pas réduire l’architecture au seul travail des architectes même si je respecte leurs productions et leurs responsabilités. L’architecture est beaucoup plus large, c’est le jeu de l’espace critique formel dans les bâtiments tout comme la peinture est le jeu de l’espace critique sur une surface in fine.

Qu’est-ce qui vous intéresse dans l’architecture

Ce qui m’intéresse c’est d’aborder l’architecture comme une discipline artistique dans le sens où l’art est une donnée culturelle et sociale. Les questions de constructions ne m’intéressent que très sommairement, je ne suis pas du tout ingénieur et aujourd’hui je ne regrette pas du tout ne pas avoir fait d’école d’architecture parce que les architectes dans leur grande majorité font très peu d’architecture, ils gèrent leurs entreprises, des chantiers et des relations avec les fournisseurs, les questions techniques et pratiques les préoccupent et leur demande beaucoup de temps. L’architecture n’est peut-être pas un lieu d’expérimentation aussi large que la peinture.

Vous avez des architectes fétiches

Le vingtième siècle a vu de très grand architectes, Walter Gropius le fondateur du Bauhaus, Le Corbusier en France et surtout l’architecte allemand Mies van der Rohe qui est pour moi le plus grand architecte Moderniste. D’autre architectes m’intéressent comme Aldo Rossi et sa capacité à sortir de l’idée Moderne pour ré-ouvrir l’histoire.

Et ceux qui sont toujours en activité

Dans les stars internationales sans hésiter en numéro un je dirai Alvaro Siza avec la chance à Rennes, d’avoir un de ses chefs d’œuvre, l’église de l’Anastasie à St-Jacques de la Lande et les récents lauréats du prix Pritzker, David Chipperfield, Lacaton & Vassal. Mais aussi géographiquement plus proche de nous à Nozay l’atelier Belenfant Daubas qui travaille à habiter la terre, l’atelier 56S pour sa rigueur géométrique, Ann Street architecture, ALL Laurent Lagadec, toutes et tous sont des architectes dont je regarde toujours le travail avec beaucoup d’attention.

Pour un pékin lambda c’est difficile d’apprécier l’architecture contemporaine, du temps d’Haussmann ou de Jean Nouvel c’était plus facile on pouvait se raccrocher aux balustrades

Je ne suis pas sûr qu’en se raccrochant aux balustrades ou aux décors on apprécie l’architecture. Depuis 150 ans l’architecture n’est plus un problème de bon ou de mauvais goût. Souvent on se trompe sur ce qu’est l’architecture et on confond le travail de l’architecte principalement la construction de bâti et le travail des praticiens de l’architecture d’Étienne-Louis Boullée à Lesley Lokko ayant peu ou pas construit. Aujourd’hui il faut poser les enjeux comme la propriété foncière, les matériaux géo et biosourcés, le bilan carbone, beaucoup de professionnels s’interrogent sur la nécessité même de construire et se concentrent sur la réhabilitation des constructions existantes que ce soit la rénovation thermique ou l’optimisation des espaces. On doit aussi s’interroger sur la dimension sociétale de l’architecture, le mouvement des gilets jaunes a touché en premier lieu les ruraux qui se sentent exclus de l’habitât des villes parce qu’ils sont au dessus des minimas sociaux et en même temps qu’ils n’ont pas les moyens financiers d’y devenir propriétaires et qui sont donc obligés de se déplacer en voiture pour profiter des services des cités urbaines.