Quand vous étiez jeune vous vouliez être marchande de meubles ou décoratrice d’intérieur
Les deux mon Capitaine. Enfant j’ai évolué dans le monde de la décoration et des beaux meubles. Dans le magasin de tissus de ma mère, puis j’ai accompagné ma sœur dans son magasin de tissus et décoration. C’est avec cet héritage familial que très naturellement j’ai suivi un cursus à l’école de Beaux-Arts de Rennes en me spécialisant déjà dans la scénographie et la décoration.
L’école des Beaux-Arts juste après 68 ça devait être un vrai bouillon de culture
Effectivement, pour moi aux Beaux-Arts, la période était propice à la création et la perception de changement. Et pour parfaire mes connaissances théoriques et artistiques, j’ai eu la chance de travailler dans un bureau d’études et magasin de meubles contemporains, à Nantes, dirigés par deux Messieurs qui avaient fait l’Ecole Boulle. C’est chez eux, que j’ai plongé avec passion dans le mobilier de grands designers. Dont Charlotte Perriand, Pierre Janneret, Charles Eames, Florence Knoll et bien d’autres, qui ont cassé les codes du mobilier XIXème et que j’ai fait connaissance des grandes marques internationales qui ont fait appel à des designers.
On vend des meubles, pour faire de la décoration, ou c’est l’inverse
On peut vendre des meubles et faire de la décoration comme vous dîtes. En 1977, même année que le premier mandat d’Edmond Hervé, j’ai ouvert ma première galerie sur le Quai Chateaubriand. Mon intention première était de faire connaître l’art du mobilier contemporain et les nouveaux designers de ma génération, avec déjà Philippe Starck, Jean-Michel Wilmotte, Christian Liaigre, la liste est heureusement riche. Je faisais déjà de la décoration. J’ai eu la chance de rencontrer et de sympathiser avec Andrée Putman, grande architecte d’intérieur, éditrice de meubles, designer, qui m’avait fait l’honneur d’être présente à l’inauguration de ma seconde galerie « La Galerie Jeanne Buanic » rue de Bertrand à Rennes. Elle fut mon pygmalion. J’ai continué à vendre du mobilier design accompagné de projet « de décoration » Il n’y a pas de limite. Avec ou sans. C’est interactif.
Difficile pour le néophyte de distinguer le terme d’architecte d’intérieur de décoratrice d’intérieur
C’est simple l’architecte d’intérieur comme son nom l’indique, organise les volumes, définit les structures. La décoratrice d’intérieur donne le style qui anime l’ensemble, selon la sensibilité de l’occupant, particulier ou professionnel, ou la fonction du lieu, c’est aussi interactif.
Comment expliquer stylisme et design
Le stylisme, c’est comme la décoration, c’est l’expression d’un style de vie. Le design, c’est un dessin, un projet, c’est le fruit d’une réflexion, d’une étude. Le design n’est pas une mode. Le design est en lien avec l’industrie, il est à la fois ergonomie et esthétisme et bien sûr il peut surprendre ou choquer. Je pense que de nombreux Rennais ont été déstabilisés par mes choix dans les années 80.
Votre vie est jalonnée de rencontres de designers, d’Andrée Putman, Philippe Starck
Il y en a tellement d’autres que l’on pourrait citer : Ettore Sottsass, Julio Cappellini , Ronan Bouroullec. J’ai eu de beaux échanges dans mes différents lieux d’exposition. Pour le public c’est également une éducation de l’œil, une découverte du mobilier design. Dans le dernier espace, Forma Design, au rez-de-chaussée de l’immeuble dessiné tout en transparence par Jean Nouvel j’ai respecté son trait de crayon, ce qui n’est pas simple de composer dans le vide, pour vendre du mobilier « design ». Pour l’anecdote Il m’avait fait savoir, par son collaborateur architecte, qu’il avait apprécié que je n’avais pas fait de surenchère sur son dessin.
Des jalons d’amitié également après 45 ans de vie professionnelle
C’est ma richesse ces beaux échanges avec mes clients curieux, avertis, initiés, et ceux qui plongent dans l’inconnu du monde du design en toute confiance. J’ai toujours l’envie de montrer le talent des designers, et industriels, l’envie de donner le plaisir de vivre avec des pièces d’exception. De les faire s’exprimer dans un style de vie. Je me suis enrichie de ces rencontres.
Votre histoire familale vous a inoculé le virus, vos enfants l’ont chopé aussi
Assurément. Comme moi, avec un double héritage familial, enrichi de la complicité de mon mari, Gilles Percheron. Notre fille Elise et notre fils Etienne développent leur passion, leur création avec Forma Design et Echo. Ils ont envie de fédérer des talents, d’échanger avec les architectes, les designers et les industriels. La période est propice à la perception du changement. Ils ont l’envie de « donner envie » de voir du beau, du durable. Ils ont l’audace de nouveaux lieux, et de nouvelles scénographies pour encadrer de nouveaux échanges avec des clients initiés, curieux, en attente d’accompagnement.