Votre cursus universitaire n’est pas banal, vous avez fait une école de photographie à Toulouse et ensuite l’école d’architecture de Bordeaux, on rencontre souvent des architectes qui deviennent photographe mais l’inverse est moins fréquent

Après mon bac j’étais déjà intéressée par l’architecture mais la photographie était déjà une passion qui me suivait depuis le collège, je n’ai pas joué à pile ou face je suis rentrée à l’ETPA. Les études de photographie ont été très captivantes, c’était le tout début du numérique donc nous avions une solide formation en argentique mais lors d’un stage dans une studio parisien j’ai compris que la photographie de mode ne me correspondait pas vraiment et avec beaucoup de motivation j’ai cherché à intégrer absolument une école d’architecture, j’ai passé plein d’entretiens dans différentes villes et finalement j’ai choisi Bordeaux qui était à l’époque une école ouverte aux parcours moins linéaires. Avec le même entrain, ces études ont été passionnantes.

Donc vous rangez votre appareil dans votre sac photo

Au contraire, la photo devient un peu ma spécificité, je photographie mes maquettes et j’utilise beaucoup la photographie dans l’élaboration de mes projets à tel point qu’en Master je prends sans hésiter l’option image et là je rencontre des architectes qui pour la première fois me parlent de la photographie en architecture. Lors d’un stage pour mon projet de fin d’études, je rejoins l’agence d’architecture L’atelier Provisoire et ils me commandent mon premier reportage, c’est à ce moment que je prends un statut de photographe indépendante. Ma vie s’organise ainsi autour de mes deux passions, l’architecture et la photographie, pendant 10 ans j’exerce le métier d’architecte en agence et en parallèle je développe mon activité de photographe. 

Et aujourd’hui encore vous jonglez toujours entre ces deux mi-temps

Non, depuis un an je ne me consacre exclusivement qu’à la photographie d’architecture, je pense que j’ai suffisamment d’expérience et de contacts pour pouvoir en vivre et rester indépendante, j’ai aussi acquis une maturité photographique, la photographie d’architecture c’est avant tout un regard que l’on pose. Je suis toujours très attentive à représenter avec justesse un espace tout en apportant une sensibilité entre la forme urbaine et son positionnement dans l’espace.

Sur votre site internet il y a beaucoup de travaux personnels mais toujours en lien avec l’architecture et même l’urbanisme

Oui et je ne suis pas du style à voyager léger puisque j’emmène mon matos argentique, je ne quitte pas mon Fuji 6×9 et son fabuleux Fujinon qui ouvre à 3,5.

Incroyable, c’est du vice, Mdr

Je shoote aussi avec une chambre 4×5, mais vu le prix des plans films, avec parcimonie. Lol !

Je comprends pourquoi dans certaines de vos photos on décèle ce grain photographique et ces bascules de couleur sur certaines lumières, vous n’êtes pas une adepte de la balance des blancs automatique

Même quand je shoote en numérique je fais toujours très attention à préserver toutes les tonalités de lumière qui participent au modelé de l’image, parce que bien sûr la plupart de mes commandes professionnelles sont réalisées au Canon avec des optiques à décentrement,  bien que j’aime y glisser quelques images argentiques. La difficulté en numérique est que l’on est rapidement dépassé par le flot d’images, alors qu’on est plus frugale en argentique, avec mon 6×9 il n’y a que 8 vues sur un rouleau 120.

J’ai une question un peu chelou qui est un peu genrée, tant pis vu mon âge je me lance, Mdr. Vos photos sont féminines, elles ne sont pas chargées en testostérone, les blancs sont tranquilles, les couleurs ne sont pas saturées, on a même l’impression dans vos cadrages que vous êtes presque désolée d’être là

Si ça peut vous rassurer je prend votre question pour un compliment, mais je ne pense pas que cela soit lié au fait que je sois une femme, je pense que c’est une plus une attention au cadrage, un respect des volumes, des proportions et l’envie de proposer une vision personnelle. Pour les cadrages j’apprécie la retenue, c’est aussi ma personnalité mais je porte toujours une attention particulière au cadrage, à la composition et au hors-champ. Quand je le peux je cherche des lumières de début et de fin de journée, je n’aime pas forcément le soleil qui a tendance à trop saturer les contrastes.

Vos photos sont globalement très épurées

C’est en partie lié au fait que je fais souvent les photos avant que la maison ne soit livrée aux clients, c’est aussi souvent la demande de mes clients même si effectivement, et cela se voit dans mes travaux personnels, très peu de personnages soient sur mes cadrages, hormis le fait que de temps en temps il est important qu’une personne puisse donner l’échelle du lieu, à comprendre une circulation ou une spatialité.

Dans vos photos à Los Angeles ou au Japon, on a l’impression d’être dans Walking Dead, l’atmosphère est lourde tellement le silence semble présent, vous shootez le dimanche matin les jours fériés

En effet, c’était un parti pris de montrer Los Angeles vidée de présence humaine, je voulais représenter une ville étendue, peu dense à l’opposé des villes européennes. Il y a un équilibre à trouver entre l’expression de l’architecture et l’expression de la photographie. Je n’ai rien contre le fait de dire que je suis photographe d’architecture mais je trouve cela un peu réducteur, je suis une photographe qui shoote de l’architecture.

Pour en revenir à vos photographies pour vos clients professionnels, je n’ai pas l’impression que vous retouchez beaucoup 

J’aime les retouches qui au final ne se voient pas, mais comme pour tous les photographes d’architecture la post-production est très chronophage. Je peux parfois supprimer un obstacle visuel qui va occulter l’intérêt principal de l’image, mais je pense qu’il est important de montrer la construction dans son environnement, c’est une valeur fondamentale que l’on nous apprend très tôt dans les écoles d’architecture.

>A6A, Atelier 6 Architecture

>Parking silo, Atelier Provisoire, Bordeaux

>Chambres d’hôtes, Sapiens, Valojoulx

>Salk Institute, Louis Kahn, San Diego

>Musée Nezu, Kengo Kuma, Tokyo

>Biarritz

>The Nowhere City, Los Angeles