Béatrice Bouchet vous êtes aujourd’hui Vice-Présidente de l’Université de Rennes en charge du patrimoine et de la transition énergétique et écologique, quelle a été votre formation
Je suis ingénieure des travaux publics de l’Etat, j’ai intégré cette école un peu par hasard après mes deux années de prépa, c’est une école qui forme aussi bien des ingénieurs en bâtiments, qu’à l’urbanisme et aux travaux publics. Personnellement comme je n’ai aucun sens de l’orientation je ne me voyais pas du tout construire des routes et rapidement je me suis orientée vers la construction. Un peu plus tard, j’ai également suivi une formation en Master en énergétique à l’Université de Bretagne Sud à Lorient.
et votre parcours professionnel
L’intérêt de cette formation assez pluridisciplinaire m’a permis de changer souvent de poste. J’ai commencé par travailler au centre scientifique et technique du bâtiment de Grenoble pour faire des études d’impact de bruit dans des habitations proches d’un noeud routier dans une banlieue de Nîmes, puis pour des raisons familiales, j’ai intégré la DDE des Côtes d’Armor à St-Brieuc en qualité de chargée de communication et conseillère de gestion. Je dois dire que la communication n’était pas franchement ma tasse de thé, heureusement j’ai pu rapidement prendre la direction de l’antenne de la DDE de Guingamp. J’ai beaucoup aimé cette mission, j’avais 50 personnes à manager et j’ai rencontré beaucoup d’élus locaux pour lesquels j’ai pu travailler sur toutes sortes de missions liées à l’équipement, même si déjà ma fibre écologique me faisait freiner le goudronnage et le bétonnage intempestif de certains maires qui voulaient construire des lotissements et des ronds-points à tout va.
Y’avait pas trop de machos parmi les élus des Côtes d’Armor
Ce qui est amusant c’est que dans ce monde très masculin j’avais acquis une certaine respectabilité parce que je roulais avec la vieille grosse Volvo de mon père. Après quelques années j’ai rejoint la DDE de Rennes en tant que responsable des constructions publiques et notamment des travaux pour les lycées et des universités. Cela a été un poste très intéressant, et, suite à la fusion de différentes entités j’ai rejoint la DREAL au service climat, énergie et aménagement de logements, où je me suis occupée de dossiers d’installation d’éoliennes offshore, de panneaux photovoltaïques, de lignes électriques haute-tension.
Les lignes à haute tension c’était un bon préambule avant de rejoindre l’université
Avant de rejoindre l’Université de Rennes, où le courant passe très bien, j’ai aussi travaillé au Rectorat sur l’élaboration puis la mise en oeuvre du contrat de plan Etat Région pour le volet immobilier des universités et des grandes écoles, au Rectorat nous étions aussi maître-d’ouvrage pour certains établissements, et enfin j’ai rejoint l’Université après un appel à candidatures pour le poste de directrice stratégique du patrimoine, et là vu l’ampleur et la diversité des travaux et des missions à réaliser je pense qu’il y aura de quoi y rester jusqu’à ma retraite, Lol.
J’imagine qu’ici on parle de gros sous, ce ne sont plus des valises de billets mais des conteneurs de cash qu’il va falloir réquisitionner, Mdr
Je n’emploierais pas un langage aussi fleuri bien sûr, mais effectivement l’enveloppe globale nécessaire dépasse les 450 millions d’euros. Actuellement nous attendons que l’Etat nous rétrocède définitivement la totalité du foncier et bâti qu’il nous confie, ce qui nous permettra d’avoir une plus grande autonomie financière. Pour faire simple le budget se répartit en 3 tiers sur 15 ans, 150 millions de subventions, 150 millions de valorisations et le reste sera couvert par de l’emprunt.
Les fonds propres c’est quoi, les économies du Président
Je vois que vous avez une connaissance très succincte du financement d’une grande université comme celle de Rennes. Les fonds propres sont ce que dégage l’université une fois toutes les dépenses effectuées. Pour le bâtiment, la marge est essentiellement basée sur l’optimisation et la rationalisation de l’usage des bâtiments actuels. Nous profitons des travaux d’isolation pour repenser totalement l’ergonomie interne des bâtiments et leur articulation les uns avec les autres, l’objectif final étant de libérer 20% de la surface actuelle que nous pourrons dédier à d’autres usages, en imaginant par exemple des espaces de coworking ou d’incubateurs de startups scientifiques au sein de l’université. La principale difficulté est aussi d’imaginer ce que seront les besoins des futures générations, en revanche on sait déjà que nous pourrons nous passer de certains des nombreux parkings, nous pouvons ainsi imaginer que l’on pourra en vendre ou en valoriser pour des constructions immobilières de logements privés ou d’étudiants.
En fait votre boulot c’est un peu comme résoudre un rubik’s cube géant en un minimum de temps
Moi à mon niveau je suis une petite courroie de transmission, je facilite la prise de décisions et travaille en amont principalement pour prioriser et orienter les projets sur lesquels les équipes répondent aux appels à projets de l’Etat. Je m’intéresse bien sûr à l’avancement des travaux mais je ne les pilote pas, je laisse le soin aux différents professionnels internes à l’université de les gérer avec les architectes, les maîtres-d’oeuvres et les entreprises. Malgré tout c’est vrai que le temps est un impératif couperet parce qu’il y a toujours une date butoir définie à l’avance quant à l’utilisation des crédits et ce quels que soient les imprévus. Dans le dossier de rénovation des façades du campus santé à Villejean financé par France Relance que nous devons livrer pour la fin de cette année, par exemple il a fallu travailler avec l’architecte conseil l’obtention du permis de construire, ce qui a conduit à modifier les revêtements de façades des bâtiments construits par l’architecte Louis Arretche, l’architecte du cabinet ENIA a proposé un jeu d’angles en pointe de diamant pour rompre visuellement l’aspect du bardage qui est très lisse et blanc. Un témoin de l’architecture d’origine sera conservé sur un pan de l’ancien bâtiment isolé uniquement par l’intérieur au dessus de l’entrée principale.
Je ne sais pas si le Président Alis est joueur mais pour mener à bien un tel chantier faut vraiment aller de l’avant d’un pas décidé
Rassurez-vous il n’a pas les deux pieds dans le même sabot.
L’entrée principale de la faculté de Médecine va être conservée à l’identique comme témoin de l’architecture initiale de Louis Arretche, sur cette surface l’isolation thermique ne se fera que par l’intérieur
Le bâtiment perpendiculaire à l’entrée et qui abrite des laboratoires de recherche va être démoli pour dégager la perspective de l’entrée principale
Au dessus des portes de la nouvelle entrée Nord, la plafond a été découpé pour créer un hall sur deux niveaux, agrandir l’espace et amplifier la lumière extérieure
La rénovation des bâtiments est une menace pour la survie des oiseaux nicheurs. La rénovation thermique des bâtiments et l’isolation par l’extérieur ne laissent plus la moindre fissure et engendre la destruction des nids et la suppression des habitats. Les nouvelles formes architecturales murs lisses, toits terrasses, surfaces vitrées, disparition des tuiles, des corniches, des trous de boulin ont un impact terrible pour toutes les espèces cavernicoles comme les martinets, moineaux, rapaces nocturnes, c’est pour cela que des espaces ont été créés sur les nouvelles façades de l’université, ici des orifices pour garder les cavités où se logent les martinets.
Un bel exemple en coupe de la rénovation thermique des façades
A la demande de l’architecte conseil de la ville de Rennes Mr Cornu, le cabinet ENIA membre du groupement Bouygues Bâtiment Grand Ouest retenu pour la rénovation, a proposé une coupe en diamant des panneaux extérieurs pour casser l’uniformité du bardage et ainsi évoquer le dessin initial de Louis Arretche
Certains étages inadaptés aux nouveaux usages ont été entièrement désossés en ne laissant que la structure originelle de béton, la principale difficulté est de prévoir le passage de toutes les différentes gaines techniques en prévision des futurs espaces des étages dédiés soit à du coworking, de l’enseignement ou des laboratoires de recherche
Quel courage de se lancer dans le programme de rénovation, quand on connaît un peu le niveau de pauvreté de l’université ! les utilisateurs vous remercient !
Et merci Bertrand pour tes articles toujours très clairs, pertinents et bien illustrés