Comment est-ce que l’on devient créatrice de jardins écolo radicale

A 40 ans j’ai eu la chance de trouver une formation pour adulte à la porte de chez moi alors que je m’apprêtais à partir à Angers. Cette formation, qui hélas n’existe plus, s’appelait éco conception paysagère et se déroulait à la maison familiale horticole de St-Grégoire sous la supervision, entres autres, d’un homme formidable qui est aujourd’hui directeur d’exploitation au service des jardins de la ville de Rennes, Bertrand Martin.

Et avant vos 40 ans vous faisiez quoi

J’ai fait 4 beaux fils et un peu avant cela j’avais fait un master de philo sur l’impermanence chez Héraclite.

Ah oui bien sûr, un peu comme dans un jardin où tout est dans un perpétuel changement, mais vu que vous avez plutôt une silhouette de prof de philo vous n’avez pas eu du mal à manier la bêche

Pas du tout c’est venu tout de suite, je suis tombé en amour pour un jardin familial au parc de Gayeulles et je me levais même la nuit pour lire des bouquins sur le potager, une fois diplômée j’ai commencé par créer des jardins de ville, même tout petit comme dans une petite cour ou sur un balcon. L’intérêt de travailler sur des jardins de ville c’est qu’en général ce sont des espaces très contraints avec, pour moi, deux clefs d’entrées qui sont le soutien à la biodiversité proche et de pouvoir se sentir bien dans son jardin qui devient un lieu d’apaisement personnel.

Question simpliste, c’est quoi un jardin

Réponse simple, c’est un enclos dans lequel on fait pousser une ou des plantes et dont un humain s’occupe.

Vous qui avez une formation de philo on peut aussi parler du jardin intérieur, du jardin d’Eden

Ma mission c’est que ça se passe mieux pour nous tous. Je compte en effet sur le fait que les personnes pour lesquelles je travaille vont aller à la rencontre du jardin que je leur prépare ou plutôt qui se prépare et pour lequel j’ai des intentions parce qu’au final c’est le vivant qui décide, j’ai toujours le ferme espoir qu’en allant au contact de cette beauté, de ce miracle incroyablement réconfortant que mes clients ressentent ce sentiment positif. Personnellement je suis plus attirée par les jardins épicuriens qui offrent une multitude de saveurs et d’usages, c’est donc un peu la rencontre avec la philo qui nous guide vers la sagesse de se faire une vie bonne.

Exit donc les jardins monastiques ou les jardins japonais

Le jardin japonais tel qu’il nous est présenté dans les jardineries est très réducteur, il en existe une multitude, si un client veut ce type de jardin mon rôle est de l’accompagner en veillant par exemple à ce que les minéraux soient des pierres locales et non des matières synthétiques imitant les pierres japonaises comme on en trouve dans des magasins en grande distribution. Un jardin ne peut pas faire abstraction de l’environnement proche et de la biodiversité, il y a dans les jardins beaucoup d’éléments de la terre, de l’air, de l’eau, du feu qui demandent beaucoup de culture, je ne peux m’engager sur un projet que si je m’y retrouve, j’ai besoin d’ un certain temps de réflexion et d’engagement, il faut au minimum de 3 à 6 mois pour que le projet prenne place.

Vous travaillez aussi pour des institutions

Effectivement et cela dès le début puisque pendant deux ans pour Rennes Métropole, sur l’esplanade Charles de Gaulle, j’ai créé des jardins éphémères de scénographie végétale en relation avec une architecte, le service des déchets de la ville, Emmaüs, la feuille d’érable, Envie 35 et un pépiniériste, le but étant de n’utiliser que des matériaux de récupération qui soient eux mêmes recyclés après notre intervention, j’avais aussi proposé aux jeunes étudiants de l’école d’archi de participer bénévolement sur des projets pédagogiques, ils ont conçu une bibliothèque roulante et un mur de cagettes végétalisé. 

Un peu dans cette continuité institutionnelle vous travaillez pour des établissements scolaires

Il y a 6 ans j’ai répondu à un appel à projets pour de l’innovation pédagogique en milieu scolaire ce qui représente actuellement de 50 à 70% de mon activité. Après avoir travaillé avec quelques écoles et collèges, je travaille aujourd’hui principalement au sein d’un lycée professionnel de métallerie, ébénisterie et vente à Guingamp. Je travaille en périscolaire directement avec les élèves sans passer par le filtre du corps enseignant ou administratif en dehors des heures de cours sur l’éco-conception paysagère sur des chantiers paysagers qui s’égrènent tout au long de l’année scolaire. Beaucoup d’entre eux ont eu des parcours de vie chaotiques et globalement ils adhèrent complètement aux activités qui leurs laissent beaucoup d’initiatives personnelles, sans que je n’ai jamais besoin d’exercer une quelconque autorité pour attirer leur attention, c’est un espace où les hiérarchies et les règles de vie habituelles prennent un sens différent tout en les éveillant au pourquoi du comment sur des réflexions sociétales.

Donc je résume, 50 à 70% sur les écoles, 30 à 40% pour des particuliers, vous êtes sûre que vous n’avez pas oublié quelques pourcentages pour autre chose, Lol

Si bien sûr j’ai une dernière casquette, je m’intéresse à la gestion dans le temps d’un jardin ou d’un espace vert, j’appelle cela les préconisations d’entretien et la réflexion sur les moyens mis en oeuvre dans le choix des matériaux ou les outils employés avec à chaque fois la préoccupation du bien-être de tous les animaux qui soit vivent dans le jardin, soit y sont de passage. Enfin à destination des petites communes qui n’ont pas les moyens d’avoir un service des jardins je propose de mettre en place des plans de gestion différenciés auprès des employés municipaux habituellement occupés aux travaux de voirie pour les sensibiliser au jardinage écologique.