Pourquoi avoir fait le recensement des arbres de votre université ?
L’idée m’est venue de recenser tous les arbres du campus au début des années 2000, quand je me suis rendue compte qu’on en arrachait beaucoup, alors même que certains étaient des raretés botaniques. Au début je n’avais aucune idée de la méthodologie à mettre en œuvre, j’ai appris un peu sur le tas et j’ai été bien aidée par des collègues et des retraités bénévoles. Nous avons aussi eu récemment un mois de travail d’ingénieur payé pour finir ce travail, livré en avril dernier.
Vous n’avez pas lâché le morceau pendant ces 20 années
La Ville a des projets d’urbanisation sur le Campus, il était donc urgent de savoir tout ce qu’il y avait pour décider des implantations des nouveaux bâtiments en connaissance de cause. La ville de Rennes s’est dotée d’une charte de l’arbre, dont l’université de Rennes est signataire, et qui oblige à replanter au moins deux arbres d’égale valeur quand on en coupe un. L’arboretum est très fourni, on trouve plus de 2000 arbres dont certains sont très rares, comme ces chênes à feuilles de châtaignier. Chaque arbre a un numéro d’inventaire qui lui est propre, ses coordonnées gps, son identification, ses dimensions et son état sanitaire sont maintenant enregistrés. Je travaille en collaboration avec le service des espaces verts qui est maintenant plus sensibilisé à cette richesse botanique qu’il y a 20 ans.
Le Campus a profité de la seconde ligne du métro
Au moment de la création de la seconde ligne de métro, des mesures de compensations écologiques obligatoires ont été mises en place à la Prévalaye et à Beaulieu. Une entreprise de restauration écologique s’est occupée de la Croix Verte, la zone au pied de la station de métro “ Beaulieu Université ”, j’ai pu apporter mes compétences de botaniste puisque je suis dans cette discipline, et qu’une concertation a été organisée.
C’est marrant de voir toutes ces herbes hautes en lieu et place d’un gazon toujours impeccable
L’idée a été de déstructurer les espaces verts classiques, en relation avec le service des jardins de l’Université, pour favoriser une biodiversité et permettre une meilleure gestion du cycle de l’eau profitable aux arbres. Le fait de laisser l’herbe pousser en hauteur procure énormément d’avantages écologiques, déjà on limite le tassement du sol par les tracteurs de tonte et on diminue le piétinement parce que naturellement les gens hésitent à s’aventurer dans les hautes herbes, et a fortiori à s’y asseoir. Pour cela on a réservé des parcelles tondues qui ne sont pas proches des arbres. Quand on tond la pelouse régulièrement, on maintient les herbes à un stade juvénile qui a besoin de beaucoup d’eau, alors que dans le cycle des herbes, quand les graines sont formées, elles ne consomment presque plus d’eau. Les herbes hautes évitent l’évaporation, et permettent aussi à un grand nombre d’animaux de s’y nourrir et de se protéger.
On entend des grenouilles
Les mares ont été créées dès le début de l’implantation du campus, mais depuis la restructuration écologique elles trouvent toute leur place. Contrairement aux noues qui régulent les eaux de pluies, que l’on voit dans les nouveaux espaces verts comme les Prairies St-Martin ou la Courrouze, les mares du Campus n’ont pas été créées dans un but de régulation hydraulique, mais probablement pour favoriser la nature. Elles abritent des plantes spécifiques et bien sûr bon nombre d’amphibiens.
On est dans une université vous avez même une sorte de laboratoire de mini forêt
A l’initiative d’un budget participatif du personnel de l’Université, il a été décidé de créer une mini-forêt dense sur le modèle Miyawaki, qui est un agronome Japonais. La méthode Miyawaki préconise de planter de façon très dense 3 arbres par mètre carré et d’associer dans chaque mètre carré chacune des trois strates d’une forêt naturelle : arbuste, arbre de taille moyenne, grand arbre. C’est une méthode adaptée au milieu urbain. Cela nécessite de très bien préparer le sol pour que les végétaux poussent vite. Pour les deux premiers étés, nous avons recouvert le sol de paille pour garder l’humidité. On a aussi bien travaillé au désherbage manuel au printemps, mais maintenant l’idée est de laisser les arbres évoluer sans intervention humaine une fois qu’ils sont bien implantés.
On vous voit en photo avec un curieux arbre
Ce petit arbre qui nous a été donné par la pépinière ONF de Guémené-Penfao, près de Redon. C’est probablement une espèce qui va devenir familière aux promeneurs en forêt, en tous cas l’ONF le considère comme un candidat sérieux pour remplacer certains arbres des forêts françaises, qui sont très affectés par les sécheresses. Les chênes pédonculés par exemple, qui poussent abondamment dans les talus bretons, risquent de disparaître d’ici 10 à 20 ans selon certaines modélisations climatiques. Le chêne pédonculé était jusqu’à présent très bien adapté aux sols bretons gorgés d’eau l’hiver mais a contrario il ne supporte pas la sécheresse. Pour revenir à ce petit arbre, c’est un Cunninghamia, qui est un genre de conifères à grandes feuilles persistantes, de la famille des cyprès. Ils sont originaires d’Asie du Sud-Est : Chine, nord du Vietnam et du Laos, Cambodge. Ils peuvent atteindre 50 m de haut.
Devant l’entrée de l’Université on mesure en direct la nocivité des parkings pour les arbres
Oui les érables qui ont été plantés il y a 50 ans sont tous en train de mourir, on voit bien leurs écorces qui éclatent et de nombreuses branches mortes. Le traitement arbre sur pelouse n’est déjà pas très bon pour les arbres, surtout quand on exporte les feuilles mortes qui ne peuvent donc plus restituer des éléments nutritifs aux sols. Mais là en plus on a fait beaucoup de places de parking : le sol est extrêmement tassé. Les racines superficielles, qui sont la source principale de l’alimentation minérale d’un arbre, ne peuvent pas se développer.
Pour vous qui connaissez très bien la botanique, quel avenir ont les arbres dans le périmètre urbain
On a eu besoin que quelques études soient publiées, comme celle qui a montré que les malades d’un même service hospitalier soignés pour la même affection guérissaient plus facilement quand leurs chambres donnaient sur le jardin que ceux dont la chambre donnait sur la rue, pour justifier que les arbres étaient utiles pour les humains.
Cela semble être de bons sens
Il y a beaucoup de décideurs qui voient juste l’aspect embêtant de l’arbre, les feuilles mortes qu’il faut ramasser, les racines qui endommagent les réseaux. Maintenant on parle aussi beaucoup des îlots de chaleur urbaine et on y installe parfois des brumisateurs alors que les arbres rendent le même service gratuitement, ils évaporent de l’eau et rafraîchissent l’air, et pour le même prix ils fournissent de l’ombre et soignent le moral des citadins, sans parler d’abriter beaucoup de biodiversité.
Il faudrait réinitialiser Marc Hervé et sa minéralité clamée et revendiquée
Il faudrait avoir le courage politique de supprimer les stationnements dans les rues et de les remplacer par des arbres. Quand à Rennes rue le Bastard on tend des guirlandes en plastique pour faire de l’ombre, j’espère au moins que c’est du réemploi, à Naples on fait pousser des ficus, dont les feuilles procurent une ombre extrêmement opaque et rafraîchissante. Ils poussent très bien dans des tranchées adaptées, sans endommager les réseaux souterrains et sans que les racines soient endommagées par le piétinement. Mais comme je viens de le dire il faut avoir du courage, et faire ça intelligemment, pour ne pas léser les personnes qui ont besoin de leur voiture pour travailler et ne peuvent pas se payer un garage.
Il faut attendre la prochaine génération de responsables politiques ou si on a de la chance la prochaine élection municipale, Lol
Dès maintenant on commence à comprendre qu’on n’a plus le choix, c’est notre survie qui est dans la balance quand les températures estivales dépassent les 40 degrés, je pense qu’on va rapidement changer de politique, supprimer les voitures et planter des arbres en ville.
Merci pour cet interview. Le portrait photographico-botanique est très beau.
Merci ! je trouve aussi que notre ami larchitiste est un super photographe, c’est un plaisir de voir toutes ces pages de blog si bien illustrées…
Excellent reportage, félicitation à Agnès pour son regard sur le campus et au delà sur l’arbre dans la ville. Avec un groupe d’amateurs d’arbres de la Sté d’horticulture 35 nous viendrons en novembre visiter les arbres du campus.
Concernant le Cunninghamia lanceolata, il se trouve que j’ai remarqué cet arbre au Thabor qui semblait beaucoup souffrir de la sécheresse.
En visite cet au Festival des Jardins de Chaumont, dans la partie des jardins pérennes, une création du paysagiste belge Bas Smets « la forêt du futur » m’a particulièrement intéressé. Il y a planté 27 arbres recommandés par de grandes pépinières européennes interrogées sur les arbres qui leurs semblent plus adaptées au changement climatiques.
Il sera intéressant de suivre ce paysagiste qui a été sélectionné pour l’aménagement de l’esplanade de Notre Dame de Paris
Merci Michèle
Je dois dire que les Cunninghamia du Thabor ne sont pas mes arbres préférés, ils ont en effet un air un peu desséchés, piquants, presque menaçants…. pas sûre cependant qu’ils souffrent de la sécheresse, ils ont peut-être juste un physique ingrat naturellement. On peut dire que c’est plus mignon quand c’est jeune ! et puis, si c’est l’avenir de la forêt française, on va s’y habituer.
Merci pour toutes ces précisions concernant les paysagistes.
Bien amicalement