Vous avez fait l’école des Beaux-Arts de Rennes, j’imagine qu’enfant vous faisiez des beaux dessins, Lol

Effectivement même si dans ma famille personne n’était vraiment intéressé par l’art pictural bien que mon père était menuisier, toute jeune j’étais passionnée de Cézanne, de Matisse et de Rodin, j’ai suivi un cursus d’art plastique au lycée et j’ai été reçue dans plusieurs écoles des Beaux arts mais c’est Rennes qui a eu ma préférence, pour son bâtiment ancien et pour la ville rock qui m’attirait, j’ai eu de très bons profs de dessin, Jean-Pierre Le Bozec et Jacques Le Brusq, de sérigraphie René Nogret, et de peinture François Perrodin c’est la qualité de leur enseignement qui m’a poussée à devenir enseignante à mon tour aujourd’hui à l’école des Beaux-Arts de Nantes / Saint-Nazaire, j’ai une relation proche avec les étudiants et certains m’accompagnent dans mes projets.

Vous avez la chance d’être représentée par la galerie Oniris à Rennes, parce que j’imagine que c’est une chance de travailler avec cette galerie de grande notoriété dans l’art contemporain

Plus qu’une chance c’est un privilège, en plus la galerie a une relation très douce avec ses artistes, elle n’exerce aucune pression commerciale même si les échanges artistiques sont réguliers. L’espace intérieur a été récemment entièrement repensé par l’agence d’architecture 1.61, la lumière et l’espace valorisent au mieux les œuvres exposées tout en offrant des perspectives alors que le local n’est pas gigantesque.

Vous parlez de perspectives et ce qui m’étonne c’est que votre travail est très emprunt de réappropriations d’espaces et de lieux, ce panneau de billes de verre à l’entrée de l’exposition, ces toiles peintes à l’aérosol ou ces cartes géographiques complètement détournées, est-ce que vous travaillez avec des architectes

Non même si j’en aurai très envie, l’occasion ne s’est jamais concrétisée même si j’ai eu parfois des contacts peut-être que de mon côté je n’en ai pas fait la démarche du moins jusqu’à présent. J’ai fait beaucoup de projets picturaux qui se développent dans l’espace et qui dialoguent avec l’architecture, comme des palissades, des murs, avec le Musée de Rennes j’ai pu réaliser une œuvre monumentale qui s’inscrit directement dans l’espace architectural de l’escalier.

La vie d’une artiste c’est H24

L’enseignement reste la part importante de mon emploi du temps même si j’ai lâché la direction de l’école, mes créations personnelles vampirisent ma salle à manger et occupent très souvent mes soirées, j’ai aussi un atelier sur Saint-Nazaire où je réalise des œuvres plus grandes.

En octobre 2025 vous exposez chez Oniris et en parallèle vous présentez un travail original aux Halles en commun à la Courrouze

L’expo chez Oniris c’est une collaboration préparatoire de deux ans avec la galerie, pour “Surfaces” aux Halles en Commun c’est une relation plus spontanée avec Etienne Taburet que j’ai connu étudiante aux Beaux-Arts de Rennes et qui aujourd’hui organise des visites d’art et d’architecture au sein de Aître. Les Halles en Commun c’est une friche industrielle, le lieu est très original, j’ai réalisé une oeuvre avec une technique expérimentale de projection de peinture et de pigments avec une brosse à dent, il y a un côté enfantin et en même temps j’aime ce pointillisme qui rappelle un peu l’impression jet d’encre par points ou certaines périodes de l’impressionnisme.

C’est dommage que le support soit si rigide, j’aimerai presque aller le découper avec une scie, c’est dommage aussi que cet événement artistique ne draine pas plus de rennais, on a le sentiment de rester au milieu du guet de la diffusion artistique, à la décharge d’Étienne Taburet c’est un manque flagrant de moyens financiers des pouvoirs publics hormis des fonds privés, je lui poserai la question, Lol

C’est une mauvaise idée d’aller couper le panneau, Lol. C’est vrai que cette manifestation méritait plus de moyens de communication et de conception des oeuvres, elle m’a aussi permis de retrouver et de travailler avec François Perrodin, j’ai aimé ce défi que m’a proposé Etienne qui enrichit mon travail en testant de nouvelles techniques picturales, j’aime toujours questionner la peinture, savoir ce qu’on en fait, actuellement beaucoup de questionnements se posent autour de l’IA et un  retour à la peinture figurative est très en vogue, donc ça m’amuse de jouer avec tout ça, un artiste se doit de réveiller ou de surprendre, moi je le fais à ma façon sans être dans une pratique forcément révolutionnaire mais  poétique et inattendue je l’espère.

Moi j’aime l’art mais la culture me manque, certaines de vos oeuvres sont un peu raides, pas évident pour tout le monde d’en trouver les clefs

Chaque contexte qu’il soit d’exposition ou de rencontre m’invite à développer une recherche, un projet spécifique, chez Oniris j’expose une série de dessins conçus comme un protocole que j’ai mis en place suite à la demande d’une amie pianiste Carine Llobet qui travaillait sur une composition de Melaine Dalibert, En Abyme, elle m’a proposé de travailler sur le même morceau et j’ai créé cette série de dessins qui sont des superpositions de deux dessins, l’un au feutre l’autre découpé au cutter qui reprend la position des notes sur les partitions par portée, comme pour les grands tissus des volcans d’Auvergne issue d’un contexte d’invitation à Clermont-Ferrand il existe une distance entre mon point de départ et la perception que les gens en ont, mais cela me convient chacun peut se faire son récit, son histoire. Mon travail une fois qu’il est regardé vit une autre vie et c’est ce qui est magique dans l’art.

FLORENT PAUMELLE – CEO CHEZ ONIRIS.ART     

Comment Carole Rivalin a-t-elle rejoint la galerie Oniris

J’avais le désir de rajeunir un peu mes collaborations avec des artistes tout en suivant les orientations de féminisation initiées très rapidement par Yvonne Paumelle, qu’au cours d’une conversation avec François et Danielle Morellet ceux-ci m’ont conseillé de m’intéresser à son travail. Entre le début de notre collaboration en 2015 et aujourd’hui son travail a beaucoup évolué, au début elle travaillait beaucoup sur des papiers découpés avec des feutres pigmentaires ou directement sur des murs comme au musée des Beaux-Arts de Rennes, depuis deux ou trois ans son travail évolue vers le sujet de la peinture.

Ce sont les travaux qu’elle expose en ce moment à la galerie

On présente des grandes toiles colorées à la bombe aérosol réalisées pour un projet sur les volcans à Clermont-Ferrand et des formes arrondies qui sont en bois, on n’est pas sur des tableaux à proprement parlé mais plus sur des peintures, ce qui est assez nouveau dans son travail c’est cette idée d’un objet plutôt peinture qui s’accroche au mur comme un tableau. Je suis content de cette évolution parce que ses œuvres sur des murs étaient difficilement montrables en galerie.

Le travail de Carole Rivalin est tout sauf flashy il nécessite un regard attentionné du spectateur

Ces travaux aux formes arrondies et qu’elle appelle “tutti-frutti” sont assez conformes à son univers c’est cette idée que lors du premier regard on voit la couleur du fond en aplat bleu ou rose et après quand on s’approche on distingue des gouttelettes, des petites traces de couleurs, c’est un travail très subtil et oui ce n’est pas de la peinture qui balance fort.

Son travail est aussi ludique, on a même l’impression qu’elle s’amuse

Oui c’est une évidence, elle en parle beaucoup et c’est un peu son fil rouge dans les œuvres présentées comme ce panneau en mur de billes situé à l’entrée de la galerie, ou ces anneaux posés sur les toiles des volcans et qui laissent des traces blanches sur les couleurs, les revisitations des cartes de plans de villes qu’elle collectionnait sans jamais savoir vraiment quoi en faire et qui pour se distraire pendant le confinement sont devenues ces oeuvres délicates.

Galériste c’est aussi être marchand, comment son travail se vend

Jusqu’à maintenant on vendait régulièrement ses œuvres sur papier ici ou sur des salons d’art contemporain à des budgets très raisonnables, les pièces actuelles sont plus ambitieuses et les prix sont donc plus conséquents et c’est notre métier de l’accompagner pour que son travail rejoigne des musées ou des fondations. Avec des artistes comme Carole qui sont des créatifs à l’état pur, on ne peut pas exercer de pression commerciale au risque de les brusquer et de tarir leur créativité.

> crédit photos couleur : galerie Oniris