L’idée du bouquin c’était pour occuper votre retraite, Mdr

On pourrait le penser mais en fait, c’est la suite du livre précédent “ Le Sentier des douaniers de Bretagne” dont l’idée était de montrer le patrimoine côtier de Saint-Nazaire au Mont St-Michel, dans un premier temps en 1995 avec le concours de la grande photographe américaine Cuchi White puis pour la seconde édition avec Bruno Colliot, un autre  grand photographe qui sait rendre les ciels de traîne bretons, lui qui arpente le monde entier depuis plus de 40 ans. Pour faire suite au littoral, j’ai proposé à mon éditeur, de me pencher sur l’intérieur de la Bretagne et avec son concours, ce nouveau projet a pris forme avec 19 circuits 170 lieux, donc effectivement cela occupe bien une retraite, Lol. 

Et comment on devient une auteure à succès sur le patrimoine

Pendant des années, j’ai fait passer avec d’autres le concours de guide conférencier dans les diverses villes d’art et d’histoire bretonnes et c’est un choix non exhaustif que je propose dans ce livre. Pour faire bref, j’ai fait un DEA d’histoire de l’art sur le vitrail peinture sur verre qui reflète l’histoire des mentalités. puis j’ai travaillé comme chargée de cours à l’UBO de Brest avant de passer le concours d’animateur du patrimoine pour Rennes. Nous avons monté les classes du patrimoine, classes européennes et internationales  puis le centre d’interprétation d’architecture et du patrimoine dans la chapelle St-Yves. Le nombre de guides conférenciers s’est considérablement étoffé. Puis j’ai dirigé l’office de tourisme et porté le secrétariat général de la CNPTU, conférence nationale permanente du tourisme urbain. Ma retraite est bien occupée car après la parution de ce livre, j’ai animé un colloque à Hyères pour l’association des animateurs du patrimoine et le Ministère de la Culture. Les actes  montrent, entre autres, qu’aujourd’hui de plus en plus de villes créent des centres d’interprétation de l’architecture et du patrimoine, qui se veulent à la fois  ancrage local et guide touristique.

Quel est le parcours d’une passionnée du patrimoine  breton, il faut naître dans un lit clos et avoir une vieille tante qui se prénomme Mélusine, Morgane ou Viviane

Pour moi, cela est peut-être lié au parcours professionnel de mon père qui, a un moment de sa vie, a dirigé une maison de retraite pour anciens combattants au château de la Rigaudière au Theil-de-Bretagne.

Quelle est votre définition du patrimoine

J’aime beaucoup la définition de Christian Lacroix pour la ville d’Arles, il dit en partie : “Arles se touche, se respire et se goûte, le patrimoine c’est tout cela et aussi le caractère que ces pierres perpétuent chez ceux qui les habitent”. Le patrimoine c’est un marqueur du temps, à la fois de l’histoire, des lieux, du substrat culturel dans lequel on vit, que l’on ne connaît pas forcément et auquel on ne fait pas suffisamment attention. A Rennes nous avons cette chance, par exemple, rue du Chapitre de passer en douceur de la « ville médiévale » à la ville du 18ème siècle reconstruite après le grand incendie, parce que Gabriel a su gérer ce passage de la ville de bois à la ville de pierre.

C’est un peu un millefeuille les histoires de labels du patrimoine avec des couches qui ne sont pas toutes de la même épaisseur

C’est vrai tout le monde connaît le patrimoine de l’Unesco mais en revanche très peu le label  patrimoine européen. Pourtant l’Europe est  notre substrat culturel et pour obtenir ce label, il faut avoir essaimé comme Athènes, Cluny, Leipzig. Je pense que Rennes, à travers sa place du Parlement, lieu des prémisses de la Révolution Française, devrait postuler.

La notion de patrimoine n’est pas franchement intergénérationnelle, dans un passé pas si lointain des années 60-70 à Rennes des architectes des bâtiments de France et des monuments historiques n’ont eu aucun scrupule à détruire le manoir de Bréquigny et les statues du Parlement et aujourd’hui encore au pied des Portes Mordelaises, on a recyclé un surplus de pavés en ciment de la place de la Gare et vider une toupie de béton en rab pour en faire un socle immonde et tout ça pendant que des responsables culturels autorisés devaient regarder la finale de la coupe du monde, j’imagine que même Stendhal s’est retourné dans sa tombe, pas sûr que maintenant il réécrirait les mémoires d’un touriste en Bretagne

Récemment au colloque de Hyères, le sociologue Jean Viard a porté l’accent sur le fait qu’aujourd’hui les jeunes générations n’acceptent pas les typologies patrimoniales dont on a hérité et ils ne veulent pas prendre pour argent comptant ce que l’on considère comme du patrimoine mais veulent décider eux mêmes de ce qui est du patrimoine ou ne l’est pas. Le ministère de la culture vient de réaliser une étude très intéressante sur un échantillon de 1000 personnes qui porte sur les nouvelles pratiques culturelles des français.

Est-ce que ça veut dire qu’au final comme dans les années 70 à Rennes on peut encore tout raser à coup de bull, ou à coup de pelleteuses comme ici autour des portes Mordelaises et inversement comme au château des Pères ériger une tour d’acier dorée 

La seule manière de sauvegarder un bâtiment est de le classer monument historique ou de l’inscrire à l’Inventaire supplémentaire. Le classement étoilé de Rennes Métropole ne préserve pas d’une démolition même avec 3 étoiles. Concernant l’hôtel très contemporain qui jouxte le château des Pères, après coup, je pense qu’on aurait pu insérer sa photo dans le livre. Le château a été bien restauré

Pourquoi il est intéressant c’est parce que c’est un promoteur qui l’a acheté car il n’est ni classé ni inscrit, Lol

On ne peut pas tout classer, on classe les éléments considérés comme majeurs et on inscrit ceux qui le sont un peu moins, il y a une hiérarchie. iI n’en reste pas moins que le château des Pères a bénéficié d’une belle restauration.

 De temps en temps je fais le guide pour des copains et c’est vrai que c’est agréable de montrer sa ville à des personnes extérieures

il y a une quinzaine d’années, j’ai demandé à Yvon Lechevestrier et Michel Ogier d’être nos premiers greeters à Rennes et de nous aider à en recruter d’autres. Le greeter montre sa ville, le guide conférencier la ville. C’est un vrai plaisir à vie d’apprécier le patrimoine d’où l’importance des classes du patrimoine pour les enfants.