Frédéric Joly-Boscher, comment on passe d’un poste de directeur de plan stratégique marketing chez Sodexo à conseil en management auprès d’artisans du bâtiment
Entre guillemets je dirai assez simplement, après une douzaine d’années à Paris chez Sodexo j’ai eu envie de revenir dans l’ouest dont je suis originaire pour transmettre à cette population de managers très spécifiques qui sont soumis à énormément de contraintes à la fois techniques, administratives, commerciales et le plus important de relations sociales, tous mes acquis professionnels au sein d’un très groupe qui est resté très opérationnel, précédemment j’avais quitté Rennes avec le sentiment de n’avoir pas pu concrétiser totalement mon aventure entrepreneuriale dans une agence de publicité associé à mon jeune frère, j’ai aussi profité de l’opportunité de racheter une petite société de formation déjà présente dans ce secteur.
Olivier Giraud quand on parle des contraintes auxquelles sont soumis les artisans du bâtiment, j’imagine que cela n’a pas toujours été le cas
Non effectivement depuis que je travaille dans le conseil auprès des artisans en 25 ans j’ai vu le contexte évoluer, à la fin des années 90 il y avait encore beaucoup d’entreprises qui avaient été créées par des dirigeants qui avaient démarrés seuls et qui au fur et à mesure avaient pu croître sans connaissance particulière en comptabilité et en management, mais la société a changé très rapidement et un nouveau métier est arrivé celui de patron du bâtiment avec des obligations de connaissances multiples et pour ce faire il n’y avait de formation spécifique. Les gens naturellement talentueux ont pu s’adapter et les autres apprennent souvent de leurs erreurs s’ils en ont la possibilité.
Vous même Olivier vous êtes un ancien artisan
Non pas exactement, j’ai fait une école de commerce et travaillé dans un cabinet d’audit auprès de grosses entreprises mais j’avais beaucoup d’amis artisans et j’ai pu me rendre compte de leurs difficultés lors des différentes crises qui secouent régulièrement le bâtiment notamment en 1995, je me suis donc demandé pourquoi des entreprises artisanales fermaient malgré les compétences techniques de leurs dirigeants et malgré le fait qu’elles étaient suivies par des bons experts comptables. J’en ai conclu que les experts comptables malgré leurs compétences travaillaient toujours sur l’exercice N-1 alors que c’est au présent que les artisans ont besoin de conseil, les artisans ont été mes compagnons d’apprentissage de leur métier.
Vous êtes un peu vieux tout les deux pour commencer une aventure commune, mdr
Notre rencontre s’est faîte un 14 février, c’était un bon début, Lol, sur la recommandation de la fédération du bâtiment pour laquelle nous travaillons séparément, nos compétences se sont tout de suite agrégées et notre vision du métier s’est alignée immédiatement.
Frédéric c’est un vieux poids lourd, sans jeu de mots, vous vous êtes un peu plus jeune
Frédéric avait depuis longtemps l’idée de transmettre sa société, pour sceller notre union j’ai acquis des parts dans la sienne et lui en échange dans la mienne.
Mon souhait est de continuer à travailler encore quelques années, notre projet commun à Olivier et moi est de pérenniser Idéo comme une entreprise de formation et en parallèle de développer SuperVision qui est une solution conçue pour optimiser les organisations artisanales et accompagner le pilotage opérationnel. Nous avons eu la chance d’être rejoint par un jeune informaticien de talent qui est le fils d’un de nos clients artisans, Ewen Aliamus.
Dans l’univers du bâtiment je trouve que l’on oublie un peu trop souvent le maillon faible, c’est à dire le client final, la crise actuelle a le mérite de le replacer au centre et de lui redonner un peu de pouvoir, d’ailleurs bien souvent on s’aperçoit que pour bien gérer des artisans il nous faut un intermédiaire qui peut être un maître d’oeuvre, un architecte ou carrément une grande enseigne comme Leroy Merlin ou Castorama
Certains artisans se satisfont de cette relation avec une grande enseigne parce que tout est verrouillé en amont et en aval. Pour les autres à leur décharge ils ont une énorme charge de travail et il leur faut souvent improviser face aux impondérables de l’humain, notre rôle est d’aider à s’organiser soit avec un suivi de formation soit avec l’utilisation de notre solution digitale, Supervision qui leur permet d’agir à différents niveaux comme l’amélioration de la communication via une messagerie instantanée pour chaque équipe et sur chaque chantier, la visualisation de toutes les étapes, la gestion des plannings, l’organisation des ressources et enfin et sans doute le paramètre le plus important et qui paradoxalement est souvent négligé l’analyse de la rentabilité. Notre solution digitale via un abonnement mensuel très abordable permet de garder un aperçu de tous les indicateurs de performances pour ne rien laisser au hasard.
J’imagine que vous avez dû ramer un peu pour vous insérer dans cette chaîne humaine du conseil aux artisans du bâtiment, entre les experts comptables qui défendent leurs prés carrés et les architectes qui ont souvent un comportement d’animal farouche
Les experts comptables sont de plus en plus des partenaires au même titre que les banques ou les assureurs, tout le monde a intérêt à ce que les entreprises se pérennisent surtout qu’une nouvelle génération d’entrepreneurs arrive sur le marché qui est mieux formée à la gestion financière mais qui a besoin d’une aide sur la gestion du quotidien. C’est vrai que pour les architectes les codes sont plus difficiles à appréhender, en revanche nous sommes très demandeurs d’établir des contacts de confiance avec cette profession indispensable aux artisans du bâtiment.