Vous avez 47 ans ça veut dire que vous avez forcément connu l’époque de l’argentique
Oui effectivement j’ai connu cette époque, d’ailleurs quand j’ai fait l’école des Gobelins le numérique était encore à ses balbutiements, j’ai eu une formation très didactique sur l’emploi des appareils grands formats. Après l’école j’ai été assistant dans des studios de photographie publicitaire sur Paris, j’ai aussi bossé pour des agences de presse, le rythme était assez trépidant et au bout de quelques années j’ai fait un break du tout au tout puisque je suis devenu routier.
Effectivement c’est même plus qu’un changement de braquet, pour un camion c’est toujours compliqué de manœuvrer à 180° (Lol)
J’ai pris la route au sens premier du terme, mais j’avais toujours un appareil photo dans la boîte à gants, j’ai roulé pendant 10 ans. Parallèlement je continuais des séries comme en Géorgie pendant le conflit armé. Là-bas j’ai fait un reportage photo que j’ai essayé de vendre à des agences en France. Cela n’a pas débouché sur des publications mais cela m’a permis de faire mon dernier créneau parce qu’un jour un promoteur m’a suggéré de proposer mon savoir-faire aux architectes et l’envie de refaire de la photo mon métier m’est apparu comme une évidence et plus particulièrement de la photo d’architecture.
Cela paraît aussi évident quand on voit votre travail que les acquis des Gobelins sont très ancrés chez vous, vous êtes assez tatillon sur les perspectives
C’est primordial de coller au plus près du travail de l’architecte et de ne pas distraire le regard par des lignes de fuites mal maîtrisées. Au début, j’ai travaillé avec une chambre grand format.
Comme dans le temps (Lol)
Oui mais son encombrement me gênait, je bosse toujours sur pied avec des optiques à décentrement et parfois avec un petit zoom pour faire des gros plans sur des matériaux. Quand je fais des photos d’intérieur j’essaye de me mettre à la hauteur des gens quand ils sont assis dans un fauteuil.
Quand on regarde vous images on ressent une impression de sérénité voire de propreté
En fait je prends mon temps, en général je passe une journée complète sur un même lieu, cela me permet de bien m’imprégner de l’endroit aux différentes heures de la journée, de ressentir le travail de l’architecte et de me mettre à la place des gens qui y habitent. Pour la propreté c’est vrai que je suis assez pointilleux, je demande toujours au gens de ranger avant de venir et sur place et je n’hésite pas, avec leur autorisation bien sûr, à déplacer une chaise ou un fauteuil. Une fois, un architecte m’a demandé expressément de ne rien modifier, pas de bol c’était assez mal rangé et je me suis fait violence ! En extérieur sur des bâtiments publics je peux aussi supprimer un poteau qui encombre l’image, généralement je passe beaucoup de temps à retoucher les photos, j’essaye d’uniformiser les différentes températures de couleur, pour la netteté je n’ai pas de problèmes parce que dès la prise de vues je diaphragme beaucoup, je suis toujours à 11 d’ouverture.
Pourtant ça ne se voit pas que c’est retouché, les ciels sont assez semblables à la réalité, je ne vois pas non plus de HDR ou de stacking focus, encore moins de lensbaby, il y a assez peu de personnages dans le champ, on remarque plus facilement les prises de vues aériennes
C’est vrai que je ne touche pas aux ciels ni aux pelouses d’ailleurs, cela a tendance à trop se voir, pour moi une bonne retouche doit passer inaperçue, comme je l’ai dit précédemment la profondeur de champ c’est un peu ma signature, donc pas de flou, ni à la prise de vue ni sur un masque de fusion, en revanche parfois des personnes passent sur le cadrage et quand le résultat est positif je les laisse volontiers, d’autant qu’avec des vitesses d’obturation lentes elles sont souvent floues. Comme beaucoup de photographes d’architecture, je propose aussi une prestation avec un drone. J’ai mon brevet de pilote, c’est une approche qui ouvre une autre dimension et une autre perspective à la prise vue.
Vous passez toute la journée et parfois la nuit pour faire la photo d’un bâtiment
Je dors dans mon lit toutes les nuits mais j’affectionne particulièrement la tombée du jour, c’est ce qu’on appelle l’heure bleue. C’est une prestation que je facture plus cher parce que j’y passe plus de temps. C’est l’heure à laquelle l’architecture visuelle prend une autre dimension et qu’on devine plus facilement l’ambiance intérieure et le travail intime de l’architecte.
>Projet : le SE/cW – Morlaix #Architectes : LAAB Architectes et Loïc Julienne « Le SE/cW est le regroupement associatif de 3 structures culturelles Morlaisiennes : un cinéma « La Salamandre », le Théâtre de l’Entresort / Catalyse et Wart, producteur de musiques actuelles et organisateur du festival Panoramas. J’ai suivi quelques phases du chantier jusqu’à sa livraison. Ici il s’agit d’un état des lieux avant toute opération. Le SE/cW est situé dans l’ancienne Manufacture des Tabacs de Morlaix et redonne vie à cette vieille bâtisse pleine d’Histoire. »
>L’Atelier d’Ici Projet : Moulin Neuf #Architecte : Jean-Luc HÉRY « Le moulin rénové par Jean-Luc HÉRY – L’Atelier d’Ici – est un reportage classique d’une maison où les propriétaires m’accueillent une journée le temps du reportage. Certains me permettent de les photographier dans leur quotidien et le hasard fait le reste. »
>Projet : Face Nord « La majorité des reportages sont des commandes mais il arrive parfois qu’un partenaire, ici le CAUE du Finistère, s’intéresse à des propositions personnelles.
En 2015 je commence une série intitulée « Face Nord » qui rebondit sur le travail d’Anne Yort Gutu, une artiste norvégienne exposé au Centre d’Art Contemporain de Quimper. Celle-ci posait la question de la propriété de la lumière et qui interpellait le citoyen sur la marchandisation des besoins vitaux.
Les photos sont exposées à Quimper et toutes les communes du département qui le souhaitent. Un livre est publié et la série « Face Sud » sort l’année suivante… »
>Projet : maison de Santé et habitations, Elliant #Architecte : TLPA – Tristan La Prairie Architectes « Le suivi de chantier sont des missions au long cours. Il faut apporter le témoignage d’une évolution dans une construction en étant présent à des moments clés du projet : coulage de dalle béton, pose des panneaux, etc. L’intérêt ici est de mettre de l’humain dans l’image en étant au plus près des artisans et de leur savoir-faire. »
>Projet : Élévation CA #Architecte : BRULÉ Architectes « Cet immeuble de bureaux du Crédit Agricole a été rénové par l’Agence BRULÉ Architectes avec laquelle je collabore depuis près de 10 ans. La fidélité de certains clients est un grand soutien dans l’inconnu du métier. La réputation est à construire les premières années. Ensuite il faut savoir garder le cap. »
>Projet : maison individuelle #Architecte : Jean-Charles CASTRIC « La nature joue son rôle dans la photographie d’architecture. On peut se permettre toutes les conditions météo. Et une tempête à Saint-Guénolé est un moment propice à de belles images. »