J’ai l’impression que dans ta vie de photographe il y a eu un changement de paradigme et que ton travail personnel a changé du tout au tout

De manière plus prosaïque je dirai un coup de balai, un drame nous a terrassé et toutes mes certitudes photographiques ont été comme insolées par ce flash. Bien sûr j’ai continué à faire mes photographies professionnelles sans que mes clients ne décèlent un quelconque manque de contraste ou de netteté mais personnellement pendant une dizaine d’années j’étais hors-champ.

Est-ce à ce moment là que Palzenat a peu à peu surexposé Richard Volante, en tout cas les images que l’on voit sur Insta n’ont rien en commun avec celles de ton site internet, d’ailleurs qui c’est ce Palzenat

Celles de mon site internet devraient être déjà effacées, aujourd’hui elles ne veulent plus rien dire pour moi, parce qu’elles représentent ma vie d’avant. Palmérino est mon deuxième prénom, mon père est du sud de l’Italie et Euzenat était le nom de jeune fille de ma mère.

Chez toi ce mot avant revêt dans ton regard une résonance particulière 

Oui très profondément comme très éloigné dans le temps, avant quand je partais en reportage personnel j’emmenais avec moi tout un tas d’appareils photos, avec toutes sortes d’objectifs. Avant la photographie telle que je la pratiquais répondait à des impératifs de cadre, de netteté, d’exposition tout
ce qui répondait, à mes yeux, à une bonne photographie.

Aujourd’hui dans cet après se révèle comme une renaissance dans tes photographies

C’est une succession de voyages et de déménagements qui ont fait que j’ai retrouvé le cadre, je replonge dans le paysage en le réinventant, cela ne m’intéresse pas que l’appareil me montre ce que je vois. Il y a 3-4 ans j’ai commencé à bosser avec du papier photographique noir et blanc périmé directement dans une chambre grand format ou des appareils de moyen format qui permettent la pose T, les temps de pose sont très longs parce qu’il n’y a pas de chimie post prise de vue.

Tu faisais quoi pendant l’exposition, Lol 

J’allais me balader, je lisais un bouquin, au bout d’un certain temps sur le papier il y avait une trace en négatif parce qu’il ne s’exprime pas comme une gélatine, après je le scannais en positif en remontant les curseurs, sans être sûr que le scanner n’allait pas voiler le papier, donc jusqu’au dernier moment j’étais incapable d’imaginer le résultat final. L’idée de la possible disparition est fondamentale dans ce projet.

Maintenant tu bosses avec un appareil de monsieur tout le monde bourré d’intelligence artificielle

Non pas vraiment j’ai toujours un viel Olympus numérique qui a une quinzaine d’années, quand je dis que j’ai retrouvé le cadre ça ne veut pas dire que j’attends que l’appareil nous montre ce que je vois. Je pose des rencontres photographiques avec du sténopé numérique sans optique, à la place de l’objectif je laisse le bouchon de l’appareil avec juste un petit trou très fin ou le plus souvent un bout de carton percé d’un ou plusieurs trous. J’ai commencé avec le projet de territoires sur le Mont St-Michel qui a donné le livre “Correspondances”, c’est une découverte du territoire à travers les yeux des gens que j’ai rencontrés, les prises de vues ont été réalisées dans des lieux qui leur sont chers.

Dans les photos de Palzenat il n’y a plus beaucoup d’urbain

Non effectivement et ce d’autant plus que maintenant je vis à Morlaix, tous les jours je me balade au bord de la mer avec mes chiens, à chaque sortie je shoote environ une soixantaine de photos et plus le temps passe plus j’ai ce rapport charnel avec l’acte de photographier, c’est d’ailleurs le moment que je préfère dans mon rapport à la photographie, les expositions ou l’édition ne me procurent pas la même satisfaction, j’ai toujours ce plaisir à manipuler un appareil photo, j’en ai des dizaines et je crois qu’un jour ou l’autre j’ai utilisé tous les formats possibles et j’ai toujours été attiré par les appareils bizarres comme à l’époque de l’argentique, mais j’ai aussi longtemps cru naïvement que tel ou tel appareil m’aiderait à faire des photos plus facilement alors que maintenant j’en suis à supprimer l’utilisation d’un objectif, je n’ai plus cette préoccupation de savoir quelle focale je dois utiliser.

Tu as un projet d’édition avec les Editions de Juillet que tu as co-fondé avec Yves Bigot

J’ai un projet de travail sur le territoire et en fait celui que j’habite, je vais reprendre le principe de la photographie d’un lieu en lien avec une personne et en l’occurrence avec mon voisin, pour moi c’est un jeu de rencontres, je commence avec lui et je lui demande de me présenter quelqu’un d’autre et ainsi de suite, je pense que je vais travailler d’une manière simple soit en moyen format soit au polaroïd et toujours un paysage au sténopé numérique, j’essaye de travailler dans une certaine urgence toute relative sans pour autant en faire un reportage, je ne suis pas reporter, je préfère que les gens me racontent leurs vies c’est plus simple.

On ne verra plus de photos urbaines dans ton travail

En fait si, je recommence à faire des photos urbaines à Morlaix, à Quimper, à Brest, à Lorient, j’essaye de photographier la ville avec mon sténopé numérique bricolé, ca me reconnecte avec l’avant quand je partais avec ma femme en voyage dans des villes. Le paysage m’a permis de me reconstruire et de me reconnecter à la ville et à l’humain. Dans l’architecture, j’aime la poésie des villes reconstruites dans l’urgence, juste après la guerre, l’utopie
des grands ensembles, les citées radieuses qui aujourd’hui ne le sont plus. Ce que les gens considèrent moche. J’aime photographier le béton, quand je vois un bâtiment des années 50, je pense au confort de l’époque avec l’eau courante, l’électricité et les ascenseurs, j’ai l’impression de naviguer.

 

Richard bidouillé par Bertrand