L’exposition intitulée « Une forme de politesse » s’est démarquée par son approche singulière, un fait notable dans le paysage artistique rennais où la distinction entre art et objets d’art est souvent floue. En effet, cette exposition se concentre sur des œuvres d’art au sens traditionnel, en opposition à de nombreuses expositions plus médiatisées qui mettent en avant des objets d’art. Etienne Taburet son commissaire d’exposition, passionné par l’art et dirigeant de Aître, souligne que les œuvres présentées sont conçues pour exister dans un espace particulier, n’ayant vraiment d’impact qu’à un moment donné. Cette idée, bien que récente dans le contexte rennais, fait écho aux réflexions de Marcel Duchamp, qui, il y a plus d’un siècle, a profondément questionné la nature même de l’art. Duchamp a été un pionnier en introduisant l’idée que l’art est un rendez-vous, une interaction dans un espace défini.
L’histoire de l’art révèle que même dans les œuvres des périodes antérieures à la Renaissance, l’art fonctionnait principalement dans un cadre spatial spécifique, comme dans les églises où l’éclairage et le contexte des retables jouaient un rôle essentiel. Cependant, la Renaissance a marqué un tournant où la peinture est devenue une forme d’expression libérale. Cette libération artistique a permis aux artistes, comme Léonard de Vinci, Bellini ou le Tintoret, d’affirmer leur vision personnelle à travers des sujets semblables comme une annonciation. Cette exposition met également en lumière le lien étroit entre peinture et architecture, Etienne Taburet révèle que les œuvres exposées dialoguent avec l’architecture industrielle de l’espace, une approche qui rappelle que l’architecture et la peinture partagent un héritage commun. L’évolution de l’architecture moderne, souvent influencée par des artistes peintres de la Renaissance, témoigne de cela. Des figures comme Le Corbusier et Jean Prouvé n’étaient pas strictement architectes, mais leur vision a redéfini notre compréhension de l’espace. Dans ce contexte, la peinture joue un rôle fondamental en dévoilant la dimension presque mystique de la géométrie, une notion qui s’est intensifiée au fil des siècles, passant d’un idéal basé sur le spirituel à une approche géométrique plus rationnelle dans lequel l’homme prend toute sa place dans un espace commensurable.
Le XIXe siècle a vu l’émergence d’un nouveau paradigme : l’art ne se contente plus de représenter la réalité, mais cherche également à questionner celle-ci. Les impressionnistes, par exemple, se sont opposés aux normes académiques rigides, apportant un regard frais sur la société industrielle émergente. Cette évolution soulève des inquiétudes quant à la fonction actuelle de l’art. Aujourd’hui, les œuvres d’art semblent se situer en dehors du débat social, les créateurs d’images étant souvent des publicitaires. Face à cette situation, Etienne Taburet appelle à une redéfinition du rôle de l’art qui doit être un vecteur de réflexion critique plutôt qu’une simple distraction.
Dans Une forme de politesse, aucun récit narratif n’est proposé ; l’accent est mis sur l’espace et la manière dont il est représenté. François Perraudin nous montre des lignes horizontales et verticales qui sont assemblées très précisément tout en tenant compte de l’irrégularité inhérente au support, il joue entre les lignes grasses et les lignes plus fines inversées ce faisant il creuse la profondeur de l’espace avec tout un jeu de variations autour du carré. Aurélie Gravelat regarde le lieu et notamment la charpente métallique et la verrière, ses lignes scotchées et dessinées à la craie en suivant les mêmes trajectoires tout en recréant la même sensation structurée et lumineuse, avec la craie blanche sur une cimaise déjà peinte grossièrement à la peinture blanche elle nous montre que cette cimaise peut devenir une architecture. L’oeuvre de Claude Rutault est très surprenante parce que c’est une oeuvre originale alors qu’il est décédé depuis 3 ans, Etienne Taburet s’est rapproché de Blandine Chavanne et de la fille de l’artiste qui ont validé les œuvres d’après les dé/finitions méthodes écrites par Claude Rutault lui-même de son vivant, au final c’est une œuvre qui vaut très cher mais dont l’objet ne vaut rien en dehors de l’exposition.
Cette exposition rennaise, loin d’être une simple alternative, s’inscrit dans un débat plus large sur la nature et le rôle de l’art dans la société contemporaine. En invitant le public à reconsidérer l’espace et l’interaction qu’il suscite, Une forme de politesse pose des questions essentielles sur la perception et la fonction de l’art aujourd’hui, d’autant que cette exposition s’est faite avec peu de moyens financiers ni de soutiens de supports de communication institutionnels.
Texte et photos, Bertrand Dauleux

Oeuvre de Carole Rivalin

Oeuvre d’Aurélie Gravelat


Oeuvre de Claude Rutault

Etienne Taburet devant son oeuvre

François Perraudin devant son oeuvre originale